LES EMPLOIS EN CULTURE SONT DES EMPLOIS AUSSI
Julien Silvestre
Président de Compétence Culture
Comité sectoriel de main-d’œuvre en culture
174 000 emplois*. C’est le chiffre de la main-d’œuvre en culture au Québec : artistes, artisans, artisanes, travailleuses et travailleurs culturels. Ces personnes représentent nos livres préférés, nos films préférés, nos objets préférés. Elles incarnent la fierté et l’image du Québec à Paris, à New York, à Buenos Aires, à Marrakech, à Delhi. Elles composent les chansons de nos bals de finissants, les poèmes de nos funérailles, les danses de nos soirées d’été.
174 000 emplois, et nous aimerions ajouter « bien rémunérés », comme il est d’usage de le faire dans tous les autres secteurs économiques. La réalité est cependant toute autre. Le Plan d’action pour les ressources humaines en culture 2023-2028, porté par Compétence Culture et soutenu par l’ensemble du milieu culturel, identifie notamment « le besoin de soutenir financièrement les organisations afin qu’elles puissent améliorer leur capacité organisationnelle et relever les défis en matière de ressources humaines. »
L’importance du secteur culturel pour l’économie québécoise est indéniable. Avant la pandémie, le produit intérieur brut (PIB) du secteur culturel s’élevait à plus de 15 G$, dépassant d’autres secteurs d’importance tels que le secteur minier, le secteur de la fabrication de matériel de transport ou celui de l’hébergement et de la restauration. La valeur de la culture, multidimensionnelle et profonde, touche à la vie économique, sociale et environnementale de nos communautés, partout à travers le territoire.
Toutefois, la main-d’œuvre culturelle fait face à une grande précarité. Près d’un.e travailleur.euse du secteur culturel sur deux est considéré comme ayant un emploi atypique. Comme pour l’ensemble du Québec, le rebrassage économique de ces dernières années bouleverse le domaine, et précipite le départ d’une main-d’œuvre d’expérience. Et s’il offre aussi plusieurs occasions d’affaires, permet aux gens de se réorienter professionnellement et accélère le virage numérique ; le secteur culturel doit aussi faire preuve d’agilité et être concurrentiel, tant sur le plan tant du salaire que des conditions de travail.
« Le secteur culturel prend acte qu’il doit stopper de manière urgente la dégradation constante des conditions de travail et d’emploi des artistes et de l’ensemble de la main-d’œuvre. Les valeurs d’engagement au sein du secteur sont profondément remises en question, notamment depuis les conséquences de la pandémie. De profession de foi au culte du sacrifice qui a longtemps prévalu, le poids de la surcharge mentale, ajouté à la fatigue du corps et de l’esprit ainsi qu’à une trop faible rémunération, provoque aujourd’hui un exode de la main-d’œuvre et contribue à des réorientations de carrière. » – Plan d’action pour les ressources humaines en culture 2023-2027
La première orientation identifiée par le plan d’action demande des investissements de 175 M$ pour la main-d’œuvre en culture et offrir des conditions de travail et de rémunération légitimes et sécuritaires, qui passe prioritairement par une augmentation de la rémunération directe et les revenus liés à l’activité professionnelle en culture. Elle vise également à ce que le financement public consacré à la culture soit indexé annuellement au minima à l’IPC et se reflète dans l’ensemble des programmes. Des investissements bien modestes en regard de l’impact sur le PIB des 174 000 travailleurs et travailleuses de la culture qui animent l’ensemble du territoire québécois.
Il nous appartient collectivement de reconnaître l’apport fondamental des arts et de la culture comme un liant social et une richesse nationale propre à sa diversité plurielle. Les emplois du secteur culturel doivent permettre aux personnes qui les occupent de travailler dans des conditions exemplaires et inspirantes pour le développement de leur carrière professionnelle.
Alors que le 1er mai soulignait la journée internationale des travailleurs, soutenons les travailleurs de la culture, qui contribuent à faire de nos soirées d’été, nos soirées d’été; et à faire du Québec, le Québec.
Julien Silvestre
Président
Compétence Culture
*Observatoire de la culture et des communications de l’Institut de la statistique du Québec – Les professions de la culture et des communications au Québec en 2021 (27 février 2024)